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Mais qu'est-ce que j' fais ? 

par Alan Payon

Juin 2016

Avant-propos

Afin de compléter les informations relatives à nos différents spectacles, je tenais à éclaircir la façon quelque peu détournée à laquelle je suis arrivé un jour à comprendre ma pratique et à pouvoir dire, clairement, comme un constat que je ne pouvais pas réfuter : « Je suis auteur-metteur-en-scène ». Ayant d’abord suivi une formation de comédien, puis d’auteur, ayant ensuite mis en scène mes propres textes, j’ai longtemps auto-cloisonné ces pratiques, jonglant maladroitement avec les casquettes, essayant coûte que coûte d’aller au bout des projets. Maladroitement, quand moi-même sur le plateau à me confronter à mon propre jeu, en tant que comédien, je donnais la réplique (ma réplique, écrite de ma main) à mes partenaires avec l’oeil du metteur-en-scène. Compliqué. Compliqué quand l’équipe technique pose une question sur le spectacle, quand moi-même je ne le vois pas, étant complètement noyé dedans. Puis, j’ai longtemps presque culpabilisé de ne pas avoir assez écrit avant le début des répétitions. Je me disais que j’aurais du plus travailler, plus aboutir, circonscrire la dramaturgie, là où ça va. 

Et au fur et à mesure des créations, au fur et à mesure des expériences, vient un semblant d’expérience. J’ai l’expérience de nos réussites, de nos échecs, de nos désirs. Quand on débute dans cette voie, on a la tête dans le guidon, impatient, on veut réussir à trouver les plus belles audiences dans des théâtres prestigieux. Je ne prenais pas le temps de m’arrêter, de souffler, d’essayer de comprendre ce que je faisais, avec eux. 

Puis il y a eu Nonna & Escobar, où le constat de mon geste d’écrivain de plateau, d’auteur-metteur-en-scène tatillonnait, et il y a eu Arthur à Vendre, et maintenant Choisir l’écume, où là, je sais, j’ai acté. Acté que j’écris au plateau, près de mon équipe, pendant qu’avec le texte naît la mise en scène. Une maïeutique théâtrale et collective. 

Et du coup, plus que nos spectacles, j’expliciterai (bel exercice) ma pratique de l’écriture et de la mise en scène, là où elle s’ancre dans le réel et ce qu’elle tente d'y défendre

À quel endroit ?

Pour un artiste émergent, comme moi, avoir une pratique d’auteur-metteur-en-scène c’est aussi avoir une pratique du dossier, du budget, se retrouver face à des chiffres plus souvent que face à des comédiens. 

Le nez dans les dossiers je pense avec un amour intellectuel sans borne à ce bon vieux Gilles Deleuze, plus particulièrement à une conférence qu’il a donnée à la FEMIS en 1987 qu’il a intitulée « Qu’est-ce que la création ? ». Le philosophe qu’on cite trop souvent à toutes les sauces y utilise l’expression de Burroughs : « la société de contrôle », celle qui arrive après les sociétés disciplinaires ou totalitaires, qui elles punissent et enferment - les sociétés de contrôle, elles, insidieusement, l’air de rien, à grand renfort d’Administration, obligent le citoyen libre à remplir moult CERFA, obtenir licence, tampons et validations en vigueur pour oblitérer tout acte de création, d’un spectacle ou d’une entreprise. Je vends des spectacles, une entreprise, artistique, mais une entreprise quand même. Pourquoi je commence par cela ? Parce qu’il me semble qu’un acte de création doit s’envisager de manière globale, que si l’on prend la scène, si l’on y met quelque chose, il faut penser le hors scène, le réel, dans son ensemble, et pas seulement le simple combo forme - fond constitutif de mon travail d’auteur-metteur (la formule n’est pas très heureuse). Entendre qu’un acte théâtral, que la mise en forme d’une fiction n’a de sens qu’en s’ancrant, qu’en prenant racine dans un réel commun, banal, voire trivial, et en même temps, souvent époustouflant, et même parfois plus fort que la fiction qu’il fait naître. 

Si je cite Deleuze, comme arme d’une pensée vive, c’est sans nul doute pour avoir appris durant trois années à l’ENSATT à mettre en discussion mes textes en cours d’écriture au côté d’Enzo Cormann, qui se réclame volontiers du philosophe (en cours, comme en train d’être écrit : cours d’écriture comme un cours magistral, cela n’existait pas à cette tablée-là). Enzo, dans un des articles qui constituent son ouvrage « A quoi sert le théâtre ? »  en vient à parler de la précarité de l’art. « Si l’art ne s’exerce que grâce à une autorisation révocable, cette autorisation n’a jamais été aussi près de lui être retirée. Non pas comme elle le fut, l’est, le sera, dans des régimes autoritaires, non du fait d’un tyran identifiable, que celui d’une tyrannie diffuse et tentaculaire qui a pour noms loi du marché, libéralisme, mondialisation, etc., et communication […] la communication, nouvelle toquade, panacée universelle, poudre de perlimpinpin destinée à panser les plaies occasionnées par la brutalité inouïe des nouvelles lois du marché mondial, contourne, marginalise l’art en le déconnectant du monde réel. Le message est, en substance, le suivant : là où l’art rassemblait, nous assemblons ; là où il divisait, nous distinguons. L’assistance s’est changée en cible. Le spectateur en consommateur. »

C’est conscient de cela, y participant moi-même quand je substitue le terme de production à celui de création que je suis toutefois vigilant à faire en sorte de proposer des modes de représentation singuliers, pour avoir dans la salle des spectateurs plutôt que des consommateurs, et du dissensus plutôt que du consensus. Et là j’en reviens à la FEMIS en 1987, dans la bouche de Deleuze : « Quel est le rapport de l’œuvre d’art avec la communication ? Aucun. Aucun, l’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information (dans l’acception qui fait de l’information un mot d’ordre participant du bon sens, le sens commun, celui que l’on doit croire). En revanche, en revanche il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. »

Un acte de résistance, voilà bien ce qui fonde toute ma pratique, non pas une résistance acide, le poing levé, mais une résistance poétique, non pas un discours péremptoire qui prétendrait apporter une solution miracle à un problème qui serait exposé via le drame, mais simplement, une interrogation ouverte, livrée à l’assemblée théâtrale.

Pourquoi je fais des spectacles ? C’est de ça avant toute chose dont je voudrais parler. Je suis auteur-metteur-en-scène pour l’aspect politique que cela entend, c’est-à-dire, proposer une expérience collective qui puisse refonder les bases du « je », du « je suis dans le monde » des spectateurs, de l’équipe d’Enfants Sauvages et de moi-même. En somme, créer le cadre d’une re-singularisation en opposition aux formats usuels de la communication. Interroger. Examiner. Voilà bien ce que je propose quand avec ma compagnie nous créons un spectacle. Le faire sur des scènes d’obédience républicaine, car le théâtre est l’affaire de tous, voilà profondément ce en quoi je crois, et l’endroit, pile-poil, où nous déployons notre travail.

La nouveauté

Le nez dans les dossiers donc, je me renseignais il y a peu sur le programme New settings de la Fondation Hermès qui soutient la production d’oeuvres scéniques où la proposition plastique est prépondérante, et étant marionnettiste… Toutefois, m’interloqua une des prérogatives demandées : « proposer de nouveaux modes opératoires dans le processus de création de l’oeuvre ».

Cela me fit songer à un petit texte d’André Gide, tiré d’une de ses conférences, et édité par la suite en 1900 : « De l’influence en littérature ». On peut y lire : « Il est tellement impossible d’imaginer un homme complètement échappé à toutes les influences naturelles et humaines, que, lorsqu’il s’est présenté des héros qui paraissaient ne rien devoir à l’extérieur, dont on ne pouvait expliquer la marche, dont les actions, subites, et incompréhensibles aux profanes, étaient telles qu’aucun mobile humain ne les semblait déterminer — on préférait, après leur réussite, croire à l’influence des astres, tant il est impossible d’imaginer quelque chose d’humain qui soit complètement, profondément, foncièrement spontané. » Gide y fait l’apologie de l’influence, celle des Ecoles, car oui en tant qu’homme de théâtre (jeune homme, il ne faut pas exagérer), je sais qu’on ne crée pas tout seul, ex nihilo, surtout aujourd’hui, où nous avons accès à pratiquement tous les modes de représentations, de pensées, si vite, en quelques clics, ou d’autres procédés bien heureux. 

Alors, pour l’homme de théâtre, prétendre inventer de « nouveaux modes opératoires » me semble, oui, bien téméraire. Il est d’usage de dire que le théâtre est l’art au croisement de tous les autres (la marionnette l’est encore plus !),  et en cela, les modes opératoires, s’ils ne sont pas inédits, peuvent être puisés partout. La BD, le cinéma, plus tard internet, ont bouleversé les dramaturgies, ont permis de développer, d’opérer au théâtre d’autres façons de raconter.

Barthes parlait de « polyphonie informationnelle » pour désigner la théâtralité car le metteur-en-scène compose son spectacle avec le texte de l’auteur, et les écritures singulières de son équipe :  comédiens, scénographe, costumier, etc… Il me plait de voir le théâtre comme un artisanat, une pratique avec des outils que l’on peut aiguiser tout au long de sa vie. Je suis pragmatique, je ne crois pas à l’inspiration, « à l’influence des astres », je crois en la nécessité de dire, de créer, de convoquer l’instance théâtrale parce qu’elle est, selon moi, la dernière agora méditative, où les enfants, les femmes et les hommes se donnent rendez-vous pour assister à la représentation du réel que l’équipe artistique se propose d’examiner. Examiner le réel, scène et salle, ensemble, pour ne pas « vivre et penser comme des porcs », comme le dit le philosophe Gilles Châtelet. Le mot est rude, « porc », mais que sommes-nous quand livrés en pâture à la mass-médiatique, nous absorbons sans broncher les inepties dé-singularisantes, uniformisantes des télévisions nationales et autres cacophonies ?

Alors non, je ne prétends rien inventer, même si je fais danser mes interprètes avec des corps parasites (ce que j’appelle aussi les prothèses / marionnettes) rivés à eux. Je ne prétends rien inventer, mais je puise dans les diverses pratiques de la scène, et si Gide faisait l’apologie de l’influence, je m’en sers pour décloisonner, hybrider, et créer une boîte à outils dramatiques.

A ou B ?

Le nez dans les dossiers, cela m’a permis de faire partie des metteurs-en-scène reçus au Grand Oral de la première bourse d’écriture à la mise-en-scène de l’association Beaumarchais-SACD. Dans leur « questionnaire », on me demandait de cocher « Vous mettez en scène votre texte ou celui d’un auteur vivant francophone » ou « Vous écrivez votre mise en scène au plateau »…

Hésitation. Choix binaire que me fait interroger ma pratique. De l’écriture et de la mise en scène. Je crois que le cloisonnement des pratiques qui composent le spectacle vivant m’a toujours interrogé, avant même que je ne puisse vraiment être en mesure de formuler une pensée du théâtre, inscrite dans une historicité. Le fait est qu’en formation de comédien, j’écrivais, en formation d’auteur, je mettais en scène, au grand désespoir des divers pédagogues que j’ai rencontrés… Enfin, à l’ENSATT, ayant la possibilité de devenir assistant à la mise en scène, je choisissais un spectacle de marionnette. Longtemps, j’ai cru que cela m’arrangeait de manquer le rendez-vous que je m’étais donné, écrire au lieu de jouer, mettre en scène au lieu d’écrire… par peur de ne pas être à la hauteur sans doute. C’est facile à dire : « Oui, mais en fait ce n’est pas ça qui m’intéresse ». Alors qu’est-ce que c’est ? Au fur et à mesure de mes créations, j’ai compris que ma pratique unit l’écriture et la mise en scène en un geste commun. J’ai compris que je suis un auteur-metteur-en-scène. Le texte-matériel de mes spectacles que je propose à mon équipe en amont est un embrayeur à leurs écritures respectives. Le travail à la table dure longtemps, nous construisons ensemble, nous balisons des territoires de recherche, nous posons les pierres de la dramaturgie ; toujours déjà plurielle

Nous sommes tous au service du propos du spectacle ; et l’on pourrait croire que je suis le seul responsable de ce fameux propos qui fonde toute création. Eh bien non, et c’est sans doute ici ma plus belle réussite d’auteur-metteur-en-scène. Je m’explique, de la formation d’auteur à l’ENSATT, pour ne pas la nommer, qui bien souvent me donna envie de tout éclater, au sens propre comme au figuré, j’ai gardé cette maxime d’Enzo Cormann : « Un texte est toujours plus intelligent que son auteur ». 

Qu’est-ce que ça veut dire ? Se dire que oui, le comédien qui porte en scène votre texte vous en révèlera le sens profond, qui n’est pas toujours celui que vous aviez prémédité. Le collectif, riche des subjectivités créatrices qui le constituent, prend en charge le spectacle, et fait de moi, metteur en scène, la figure de l’arbitre, ou du compositeur : je compose avec toutes leurs écritures, et avec les virages dramaturgiques qu’elles me proposeront. 

J’ai coché A, mais j’ai demandé à mon assistante à la mise en scène avant. J’ai coché A parce que oui, j’écris Choisir l’écume, mais je l’écris au plateau, le texte, en même temps que la mise en scène. En ce sens, je ne cherche jamais à faire un objet-livre, pas encore, le plateau nous domine trop. Et c'est tous ensemble que nous essayons de comprendre, de faire sens, se bouleverser, c'est sur ce même plateau que nous avançons ensemble, testant, validant, jetant, réinventant, ensemble. 

Écrire pour la marionnette - le deuil joyeux

Cette question était à la mode, on la posait partout, et des tables rondes réunissaient, réunissent encore, intellectuels et praticiens. Y a-t-il une dramaturgie propre à la marionnette ?

Je dirais que non, on n’écrit pas spécifiquement pour la marionnette, on écrit avec elle, près du plateau. Le plasticien sait qu’il devra faire bon nombre d’aller-retours pour retaper sa marionnette, permettre à cet outil plastique d’être optimum lors de sa manipulation. Celui qui écrit pour la marionnette devra lui aussi faire bon nombre d’aller-retours, de son bureau, au plateau, pour trouver la langue, le rythme, tout ce qui compose son texte, pour permettre à l’objet mort de prendre chair. La marionnette est une leçon d’humilité pour les belles phrases de l’auteur. Plastique par nature, quand on met en scène la marionnette, souvent, elle n’aura plus besoin des mots pour faire passer le spectacle, alors on coupe. J’appelle ça le deuil joyeux. La marionnette pour me faire taire. Pour aller à l’essentiel du propos. Le deuil joyeux de mes bons mots. La marionnette est une écriture en soi, une écriture plastique, une écriture de pure action, je me sens tout autant auteur quand je mets en scène un théâtre de marionnette (ou d’objet) que quand j’écris un texte dramatique. Car écrire pour le théâtre et mettre en scène, qu’est-ce que c’est ? N’est-ce pas déployer une dramaturgie ? Alors, peu importent les outils, tant que le propos défendu, interrogé, passe au public. La marionnette comme chemin vers la mise en scène.

Ecrire pour un marionnettiste danseur, une spécificité de la compagnie

Cette recherche  sera fondatrice dans mon parcours et me donnera l’impulsion pour créer Les Enfants sauvages, chez moi, dans ma ville natale, à Charleville-Mézières, capitale mondiale des arts de la marionnette grâce à son école nationale et son festival mondial. La marionnette et Charleville, ou comment tomber dans la marmite quand on est petit…

Le territoire de recherche dans lequel nous nous lançons est celui de la marionnette / costume, en fait, des prothèses manipulables qui se posent sur le corps de l’interprète et l’obligent à composer une nouvelle grammaire de mouvements. Notre premier spectacle, POP HIBISCUS (photo ci-dessus), donne le la de notre travail. Une robe de cinq mètres de diamètre est manipulée par le danseur mais avec une manipulation sans contrôle direct. La chorégraphie se fait alors manipulation, et inversement. 

L'écriture plastique de la marionnette domine toujours la scène, au metteur en scène de ce théâtre-là de savoir dompter l'animal, ce corps-là, le corps faux, et surtout, son rapport avec le corps vrai de l'acteur. 

En 2015, j’ai eu la chance d’être l’artiste associé « Nouvelle Génération » du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières pour la création de la première forme longue de la compagnie, Nonna & Escobar. La marionnette était, en quelque sorte, une combinaison enfilée par l’interprète. Avec ce spectacle, je découvre les champs du théâtre du mime et du geste, à l’orée de la chorégraphie, mais dans une écriture du mouvement qui assume de faire sens, qui se fond dans une dramaturgie. Avec l’écriture gestuelle, je trouvai le carrefour de mes expériences, et de la marionnette et de la danse.

Je suis donc un jeune auteur-metteur-en-scène qui fait danser ses interprètes avec un autre corps rivé à eux. C'est ce rapport qui m’intéresse car je n'imagine pas le rapport au monde sans rapport au corps, et toute ma dramaturgie est également au service de cette recherche. Il n’y a pas de hiérarchie entre nos pratiques, mon geste d'écriture est placé sur un plan d'horizontalité avec toutes les composantes du spectacle, composantes sous la responsabilité de  chaque membre de mon équipe. Voilà comment j'envisage le travail de la mise-en-scène, toujours déjà collective

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